Aube du 21ème siècle. Toute la Gaule est occupée et la Pax Europeana règne.
Toute ? Non. Seul un petit territoire résiste à l’œuvre bienfaitrice de la civilisation. Son maquis attire les rebelles et les poètes.
C’est sur le Net (par mail, à propos d’échanges de liens) que j’entrais en contact avec Alain, pilier du club Corse-ULM corseulm.free.fr. Une poignée d’irréductibles ont monté un club ULM à Propriano (LFKO), en réintroduisant les ULM pendulaires depuis début 2000. La rencontre en chair et en os, par un gris dimanche d’avril 2004, organisée à l’initiative d’Alain, va déclencher mon voyage ; par ricochet comme vous l’allez comprendre.
Mai 2004 : le premier tour de Corse ULM
Ces allumés sous leur altibulle organisent le premier tour de Corse en ULM pendulaire en mai 2004 !? Au delà du programme magique, je pressens la chaleur de l’aventure, organisée par des amis pour des amis.
Séduit, mon sang ne fait qu’un tour. Trois semaines c’est large pour
poser des congés,
obtenir le contrôle technique de ma vieille auto (lors de la contrevisite le technicien a eu pitié et a rentré de fausses valeurs dans son ordinateur afin d’obtenir le blanc-seing ; j’ai du lui promettre de ne pas la vendre…),
poser un crochet d ’attelage sur la merveilleux véhicule,
me faire prêter une remorque (merci Cyril & Geoffroy, plus haut le radada sur les blés 😉 ),
prendre les billets de ferry,
Déborah, ma jeune épousée, entrainée sans doute par mon enthousiasme sera du voyage ; nous organisons donc la garde de nos chérubins pour 10 jours
Enfin c’est le départ, l’ULM sur la remorque bien sûr.
Pendulaire se rendant en Corse
Chéri, rentre l’avion dans le bateau
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Le premier tour de Corse fut merveilleux et nous avons noué des amitiés avec les amis de Corse, de Suisse de Belgique et même de Persan-Beaumont. Cette aventure est relatée sur le site de Corse ULM. Le 31 mai 2004, ma religion était faite :
le restaurant bar Tavaria de Christian & Nathalie sur l’aérodrome de Propriano, tout proche de la plage distille une ambiance délicieuse, à l’image de ses spécialités, (prix modique),
nous reviendrions à Propriano en famille pour les grandes vacances 2004,
le trajet Corse-Continent est jouable en pendulaire par l’ile d’Elbe, Capraia et le Cap Corse ; en effet la branche maritime la plus longue ne fait que 35 km (Elbe/Capraia) ! En particulier, depuis le Cap Corse on voit Capraia !
Fort de cette découverte, j’avais proposé aux pendulaires continentaux de remonter en vol lors du repas de côture du tour de Corse en mai 2004 ; mais après 23H00, certaines brumes s’étaient installées (personne n’a vomi).
Préparation du voyage
Je vous épargne le mois et demi de la fin du printemps (pluie, travail et raid Meaux-Coulommiers).
Je prépare en juin un draft de route sur l’excellent nav2000, qui m’indique 1200 km pour Meaux Propriano via Albertville, Pise et Elbe. Je table sur trois jours de voyage et espère une fenêtre météo entre le 14 et le 19 juillet, bornes compatibles avec notre programme familial. Je suis prêt mentalement à renoncer car je ne souhaite pas braver les éléments.
Mes sources et ma confiance dans les prévisions météo n’étant pas brillantes (site meteo.fr principalement), le projet s’endort jusqu’au 10 juillet.
Mais dès que la fenêtre météo est en vue, la préparation devient intense : je consacre beaucoup de temps à préparer la navigation, principalement sur PC, grâce à nav2000, Excel pour imprimer mes feuilles de nav et G7towin pour charger mon petit GPS Garmin 12. Pour le trajet France, je navigue à la carte OACI (1:500 000, 1 cm pour 5km), voire à la carte FFPLUM/Jean Bossy/Nav2000 (1:1 000 000, 1cm pour 10km). Sur la première je me situe à 75% du temps, sur la seconde, je me situe à 40% du temps (autoroute, fleuve,…) ce qui me suffit en voyage. J’utilise les logs de nav de nav2000, je ne rapporte pas les zones, altitudes et fréquences radio car elles figurent sur les cartes. J’imprime et parcours les cartes VAC ou fiches Nav2000 des étapes que je prévois. D’une manière générale, pour chacune des branches de ma route j’envisage des alternatives : poser supplémentaire en chemin, allongement d’étape, variante… Mais je ne les prépare pas toutes aussi minutieusement. Par ailleurs je répugne à prévenir de mon passage, car en fait je ne suis jamais certain de passer, y compris une fois en l’air ! Cela complique la relation avec les hôtes, instituant une relation improvisée (no future ?). Quant aux étapes italiennes, je ne trouve pas de cartes OACI, et compile des infos sur les bases entre nav2000 et ulm.it.
La préparation du Cosmos Phase II 12.9 est minimum : révision des 150H entamée, bougies récentes et silent-blocs du 582 changés ; avec de bonnes visites pré-vol cela ira. Je pars avec un bidon de 20 litres et un sac à dos sous l’emplacement du passager et la machine est pleine. Le Cosmos sans carénage supporte très peu de bagage en cas de passager : même en partant seul, avec le bidon d’essence et 6 litres d’huile, je ne dispose que d’environ 30 litres de bagages.
Préparation du pilote : je me mets à la Badoit et tente de me coucher tôt trois jours avant le départ. Objectif pas toujours atteint. Je vole en combinaison Ozee + blouson de moto MacAdam, casque intégral Lazer/Alphatec et bottes de motos antipluie en caoutchouc avec semelles de sécurité. Pas très sexy mais efficace été & hiver. Plus un gilet de sauvetage qui se gonfle au contact de l’eau, distribué par Décathlon (99€), très seyant.
J’ai 4 logs de nav aller pour des tronçons d’environ 300 kilomètres, et les waypoints correspondants rentrés dans le GPS. J’ai un modèle de plan de vol nav2000, pour me servir de modèle, une liste de téléphones (météo VFR 08 92 68 10 13, réseau très basse altitude défense 0800 24 54 66). La partie italienne est moins bien préparée, je n’ai qu’une pauvre carte routière et 20 points dans le GPS… J’invite par mail les amis continentaux du Tour de Corse à rallier le vol, mais je sais bien que chacun vaque.
Voyage aller Meaux – La Rosière – 14 juillet 2004
C’est toujours la même histoire : je me vois en l’air à 6H00 mais décolle à 10H00 !? Un swap de rondelle d’axe de roue AV et un resserage de l’accroche du container de parachute avec Jean-Jacques, le fueling, le chargement, la check list, la pré-vol… Et bing, voilà que le 582 ne veut pas démarrer !? Depuis que j’ai mis les nouvelles bougies avec les électrodes à 0.5 mm, il préfére démarrer avec un filet de gaz ?! Avant je ne mettais jamais de gaz… Bon je suis déjà en nage avant d’avoir démarré !! Enfin en l’air. Direction Pont sur Yonne d’où je pourrai cheminer le long de la ligne TGV jusqu’à ma destination d’étape : St-Ythaire (30 km avant Mâcon). L’étape fait 300 kilomètres, et j’ai repéré près de chez mes amis une pâture communale d’environ 300 mètres qui est ma destination.
Avant Coulommiers je croise un alerte zinc avec une cocarde qui se met à me tourner autour ! Damned c’est le 14 juillet ; il me semble bien que la NOTAM ne concerne que l’ouest parisien, pourvu qu’ils me confondent pas avec un drône terroriste. Etant encore sur la fréquence de Meaux, je n’ai pas contact de radio avec ce vautour. Au deuxième tour je lève le bras et salue les deux occupants que je distingue nettement dans leur cockpit. Ouf, ils ont reconnus en moi le poireau et s’éloignent ; c’est ma deuxième suée en 20 minutes, j’ai pris la classe Sauna !
Le reste de cette branche est sans histoire, le cheminement le long de la ligne de TGV est tellement confortable que je décide de réviser mon alphabet radio : Alpha Bravo Charlie,.. c’est quoi le D déjà… Echo,Fox,… En fin de matinée j’ai retrouvé toutes les lettres ! Je pose à Saulieu pour transvaser les 20 litres du bidon et me renseigner sur l’activité de la R65 que je vais croiser. L’aéro club est accueillant avec bar & salon, mais désert en cette heure de déjeuner. Je téléphone aux amis de St-Ythaire, mais le numéro que j’ai est erroné ! Pour une fois que je voulais prévenir…J’installe une carte IGN 1:250 000 de Bourgogne dans mon lecteur (planche sur la cuisse) pour identifier le village d’en haut, et repars. J’arrive mais dois renoncer à me poser face au vent (très léger) car le champ est en pente ; je remets les gaz (pour la joie des spectateurs), et me pose dans l’autre sens. Cette année je n’emménerai pas les amis faire des baptèmes depuis un champ comme l’année dernière où j’avais plié la barre de compression au roulage après le posé dans un champ près d’Angers ! Petite surface d’aile = atterros rapide en biplace = pas de biplace dans les champs ! La structure du chariot Cosmos me semble privilégier la légèreté au tout terrain…
Je retrouve là ma fille chérie et nous faisons une partie de chevalopoly (plateau & cartes “chevaux” créés par Shérane elle-même sur des règles de monopoly) après le déjeuner champètre.
Je reprends l’air à 18H30 en direction des Alpes, bourré d’essence. L’air est très calme, la nuit aéronautique prévue à 21H50. J’avais joint XXAiles (d’Albertville) pour échanger sur le franchissement et les possibilités de dormir dans les Alpes. Jean-Marc Pizzinat me recommande le franchissement un peu plus sud par la vallée de la Maurienne et le col du Mont Cenis plutôt que Bourg St Maurice, le col du petit St Bernard et le val d’Aoste, route plus nord que j’ai préparée « mais moins vachable ». Il me rappelle pour transmettre les coordonnées des bases de la route sud ; merci Jean-Marc, j’ai suivi ton conseil au retour.
Tournus, Bourg en Bresse puis les premiers massifs, de 1000 mètres d’altitude. Je passe l’altisurface de Corlier et rejoins le sillon du Rhône et le lac du Bourget. De la j’oblique Est, tangente le lac d’Annecy puis pique sud sur Albertville. Il fait toujours très beau mais les versants est sont dans l’ombre. Je vole à 6000 pieds (1800 mètres). Arrivé à environ 10 km du terrain d’Albertville, je l’aperçois et décide de pousser jusqu’à l’alti surface de La Rosière (LF7330). Le terrain d’Albertville est dans la vallée entre l’autoroute et la voie ferrée, dans la zone industrielle, et la perspective de passer la nuit là m’attriste. N’ayant pas encore préparé la route sud, je poursuis sur ma route nord. Le GPS est confiant, mais hélas il me faut suivre la vallée qui descend à Moutiers avant de remonter à Bourg-Saint-Maurice. J’atteins 21H00 et suis toujours en route, j’aurai peu de marge. Les ombres s’allongent, les réverbères s’allument… Enfin Moutiers, je passe sur le bon cap et avance à meilleure vitesse vers mon étape… Mon GPS et mon oeil s’accordent à identifier La Rosière, sur le flanc en face. J’arrive en approche de la station et en parcours visuellement le centre et les alentours.
Pas de trace de piste ! ! Je mate plus bas, plus haut, plus à droite, plus à gauche…rien ! La nuit s’avance, je tourne et ne vois rien. Pour comble je n’ai pas sorti la fiche de l’altisurface, pensant faire un stop à Izenave et/ou à Albertville. J’en viens à douter qu’il y ait une alti surface à la Rosière. Panique ! Je tourne et retourne très bas ayant souvenir que la fiche mentionnait un hôtel (piste rattachée à un hôtel…). Je vois bien des établissements pouvant être des hôtels mais nulle piste !.. Je décide de ne pas griller une minute pour consulter mon GPS (il est dans ma poche portefeuille, pour le consulter je dois le sortir, peu commode comme je tourne), de plus quand on passe à 300 mètres d’un waypoint, il met le cap sur le prochain de la route active, j’imagine qu’il pointe maintenant sur Aoste, il faudrait que je réactionne un goto, de plus il n’est pas rare qu’il ait trois cents mètres d’écart, d’habitude je termine la route visuellement. La solution doit être visuelle : cherchons des balises de pistes ou une manche à air. Je me sens mal à l’aise, et scrute la montagne comme un rapace.. Ah ! Entre ces remonte-pentes l’herbe est plus claire et comme tondue. C’est en pente mais ça peut être ça. Y sont quand même gonflés, y a aucun signe visuel de piste. Finale volontaire entre les pylones (débarassés de leur câble), arrondi, eeehh le sol remonte sec, je pousse tout, mais percute la planète avec rudesse et rebondis comme un fer à repasser avant d’entrer dans un roulage fort chaotique. Je serre le frein, écoute le ralenti qui me semble bien bas, me remémore le bip qu’a émis la radio lors du choc, et constate dépité que cette année encore j’ai flambé ma barre de compression. Oh pas énorme, elle a flambé de 3 cm (elle n’est plus rectiligne), moins que l’année dernière ! Bon, mais je sais que ça n’empêche pas de voler en sécurité, la structure ayant une certaine elasticité. La barre de compression est le premier fusible, ce qui est mieux que la fourche.
Je me dés-arnache et plante mes sardines pour tenir l’aile. Il fait quasiment nuit, l’air est très calme.
Bien entendu je ne suis nullement sur l’alti surface qui est en fait sur le flanc de derrière (à 800 mètres), invisible de la verticale du village. Je suis sur une brave piste bleue entre tire-fesses et télésièges !
Je descends à pied pour profiter de l’allégresse du 14 juillet dans une station touristique. Dans tout le village un couple d’autrichiens erre et trois jeunes de 14 ans palabrent sur un banc. Et c’est tout ! J’augmente donc la foule en liesse d’environ 15% et me mets en quête d’un repas voire d’un lit… Challenge !
Un repas j’en trouvais un, dans une maison fort aimable, mais renonçais au lit que je ne pus trouver à moins de 40 €…
A l’aventure comme à l’aventure, belle étoile pour tout l’équipage ; n’avais-je pas choisi un ULM Cosmos ! Je remonte la piste beue dans la nuit d’encre et attrape la quatrième suée de la journée, oh le pas sportif ! Je me blottis enfin dans mon sac de couchage, sur mon blouson et sous ma combinaison, que les étoiles sont belles, rron, rron. Je m’endors à 1900 mètres d’altitude.
Route des Alpes nord
Route suivie à l’aller (from Nav2000)
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